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Couple et sexualité :Que penser de l'échangisme au XXIème siècle ?

  • Photo du rédacteur: Les pros "Crescendo"
    Les pros "Crescendo"
  • 29 janv. 2021
  • 9 min de lecture


L’échangisme peut être défini comme une pratique sexuelle de groupe. Elle est source de nombreux fantasmes puisque les études nous rapportent que plus d’une personne sur deux y aurait déjà songé. Cependant, entre la pensée à l’agir, il y a une véritable frontière. Réaliser cette fantaisie sexuelle et cette forme « d’idéologie conjugale » demande un véritable échange dans le couple, et mérite d’être murement réfléchi ensemble.


Une pratique d'hier et d'aujourd'hui ...


Cette pratique est aussi vieille que le monde. Elle a pour ainsi dire traversé les temps. On la retrouve aussi bien à l’époque des cavernes, que lors des orgies romaines, des festins du Moyen-Âge ou durant la période libertine en Europe du XVIIIème siècle.

C’est l’époque Victorienne, qui étouffa le libertinage, avant qu’il ne ressurgisse avec une popularité accrue dans les années 70 avec le mouvement hippie, pour ne reculer à nouveau brutalement avec l’apparition du VIH. Aujourd’hui le libertinage fait. Office d’un nouvel engouement avec l’apparition de lieux voués à cette pratique, qu’il s’agisse de club, de saunas, ou encore de soirée privée pour membres de cette pratique à valeur « communautaire ». Aujourd’hui, cette pratique reste minoritaire et occasionnelle pour de nombreux français. Ainsi, Une étude menée en 2010 auprès de 1020 personnes indique que 7% des participants ont déjà eu une relation échangiste au cours de leur vie (11% d’hommes et 5% de femmes).


Quels profils ?


Les auteurs Houngbedji et Guillem (2016) ont tenté à travers leur étude de préciser les profils et pratiques des échangistes. Leur recherche montre qu’il y aurait une proportion beaucoup plus importante de femmes bisexuelles parmi les échangistes (plus de 30%) que chez les tout-venants (3%). Il y aurait également parmi les échangistes davantage de consommateurs réguliers de substances comme la cocaïne ou l’ecstasy/MDMA. Cependant, l’usage d’alcool et de cannabis observé est similaire dans les deux groupes. Majoritairement, le profil de l’échangiste qui se dessine est celui d’hommes de 30 à 40 ans, ayant effectué des études supérieures et de classes socio-professionnelles moyennes à supérieures.

Parmi le groupe des échangistes, 59% ont recourt à cette pratique 2 à 10 fois par an, et 22% au moins une fois dans le mois.


Une pratique paradoxale pour le couple


Il est étonnant de s’apercevoir à quel point les sciences humaines se sont aussi peu intéressées à cette pratique, et au fonctionnement conjugale des couples libertins. Les rares écrits scientifiques étudiant les couples libertins observent, que sous une apparente ouverture et forme amoralité, se cachent finalement des couples souvent plus traditionnels et normatifs que les autres. Ces derniers, à travers la pratique de l’échangisme, défendent implicitement l’importance du couple : l’infidélité est vécue à deux, façon finalement de gommer la trahison qu’elle peut induire, et de n’exister que par le couple. Les échangistes seraient également de fervents défenseurs du respect d’autrui, car les quatre protagonistes doivent être d’accord pour procéder à un échange. Le divorce serait également moins bien perçu et vécu que chez les couples tout-venants : Après tout comment peut-on se quitter lorsque l’on peut tout avoir sur un plateau ? Enfin malgré ce que l’on notre imagination nous amènerait peut-être à croire, en dehors de leurs comportements sexuels plus marginaux, ont des vies tout à fait conventionnelles. Ils véhiculent des stéréotypes d’hommes galants et protecteurs, et des femmes douces et serviles.


Qu’est-ce qui pousse un couple à pratiquer l’échangisme ?


Les raisons qui motivent les couples à s’engager dans cette pratique sont très variables. L’un des motifs les plus souvent évoqué serait la volonté de vouloir « mettre du piment » dans sa vie sexuelle et conjugale. Les individus peuvent aussi entrapercevoir dans cette pratique une fonction auto-thérapeutique (parfois à tort), permettant de dépasser un instinct de possession ou de jalousie. C’est une façon aussi de se faire des amis qui pratiquent également l’échangisme et partagent des valeurs morales et identitaires. Il peut s’agir, surtout pour les hommes, d’une volonté de s’affranchir de l’implication émotionnelle dans la relation sexuelle, en ayant des rapports plus mécaniques : du sexe pour du sexe. Chez les femmes, on retrouve fréquemment cette volonté de faire plaisir au partenaire, de ne pas le perdre en tentant de « tout lui offrir ». Paradoxalement, le couple échangiste dépasse les règles traditionnelles pour mieux y rester.


Certains sexologues et.ou sexothérapeutes semblent prôner l’échangisme comme une réponse favorable à la dynamique changeante des couples du 21ème siècle. Ils ne sont généralement pas à court d’arguments qui ont le mérite d’être entendables, dont voici certains des plus courants :


- Le choix est consentant et personnel,

- Ces couples ont décidé de vivre leur relations intimes dans la transparence et dans une forme d’honnêteté,

- Il est possible pour ces couples d’avoir une vie sexuelle saine et épanouie,

- On y retrouve des hommes et des femmes très respectés et respectables selon les normes sociales conventionnelles,

- Femmes et hommes sont des rôles plus symétriques : la femme n’est pas soumise, puisque consentante, voir même initiatrice,

- Il y a un désir mutuel de partager des moments intimes et certains fantasmes.


Cependant, il serait parfaitement réducteur de ne pas considérer l’incroyable diversité de fonctionnements et des dynamiques à l’œuvre dans l’entité couple. Ainsi, cette pratique ne doit pas être envisagée comme une solution à la satisfaction conjugale et sexuelle pour tous. Il revient à chaque couple de concevoir et construire sa propre sexualité qui lui est unique, en tenant compte des besoins et des désirs de l’autre et les siens.


L’échangisme, ou l’objectalisation de la femme ?


En fonction du vécu, des schémas, des désirs de chaque femme, des dynamiques relationnelles dans le couple et leur inhérente complexité, il n’est ici aucunement question de juger ou de prendre position sur le choix consentant de ces femmes, qui peuvent tirer une jouissance en étant considérée comme objet sexuel par l’autre, et s’en accommoder.

Néanmoins, cette pratique, lorsqu’elle est initiée par l’homme dans le couple, serait souvent perçue comme une façon de fuir une routine sexuelle qui s’est installée. Cela peut également être une façon de satisfaire un fantasme masculin courant : celui du « harem » et de la multiplicité des partenaires. Qui n’a jamais vu un homme se vanter de ses prouesses sexuelles en énumérant ses conquêtes, gage de sa « virilité » ? La femme au sein de certains couples libertins peut revêtir une valeur de « monnaie d’échange ». Dans une forme de dépendance à son partenaire, la femme est « négociée » implicitement avec un autre homme. Il n’est pas rare, dans les lieux échangistes, de voir certains hommes être accompagnés d’hôtesses plutôt que de leur femme, pour accroitre ce pouvoir de négociation. Lorsqu’ils choisissent de s’abandonner à cette pratique avec une partenaire régulière, ils vont généralement l’échanger pour une femme qu’ils trouvent plus attirante selon leurs critères. Le seul pouvoir de la femme – fort heureusement- est d’accepter ou de refuser les propositions. Néanmoins, comme dans de nombreuses pratiques sexuelles marginales, il demeure une forme de « chosification » de la femme.

L’échangisme comme remède à la jalousie dans le couple ?


A travers cette pratique, l’échangiste tente de transposer dans la réalité ses fantasmes d’infidélité, sans prendre le risque de manquer de respect ou de trahir son partenaire, puisqu’il.elle accepte librement la participation. Dans l’immense majorité des cas, c’est l’homme qui initie la pratique. Cependant, il n’est pas rare que « l’arroseur devienne l’arrosé ». La partenaire peut se montrer dubitative voir réticente au départ, mais peut découvrir au fil des expériences son pouvoir de séduction en dehors du couple, et à travers les hommes qui peuvent la courtiser dans la pratique de l’échangisme. Les couples fragilisés, ou ayant des difficultés de communication vont être confrontés à des risques de ruptures et des conflits, lorsque la femme se « révèle » sexuellement avec un autre. Avoir des rapports sexuels avec d’autres réveil inéluctablement une forme de comparaison, qui peut s’avérer blessante, entrainer une perte de confiance et une crainte réelle de perdre son conjoint, si celui-ci s’avère prendre du plaisir et avoir du succès auprès de d’autres partenaires. Nul n’est à l’abri d’une forme de jalousie.


Ce que ces couples ne disent pas …


Si vous surfer sur le net à la recherche de témoignages de couples échangistes, il semblerait que ces derniers semblent taire certains aspects qui sembleraient propre cette pratique. Tout d’abord, ils se « vantent » très rarement de l’être, ou de faire partie d’un club. Ils éprouveraient même une forme de culpabilité, voire de honte dans certains contextes sociaux. Les femmes notamment, évitent d’en parler aux professionnels de santé comme leur gynécologue par peur du jugement, et de passer pour des dépravées. Les hommes quant à eux, souffriraient davantage de la comparaison avec d’autres hommes, et auraient tendance à avoir une estime d’eux-mêmes plus basse que dans la population générale. Au niveau de la santé organique, les échangistes, même les plus précautionneux, estiment ne pas etre plus à risque de développer des infections sexuellement transmissibles. Pourtant, de nombreuses études démontrent qu’à travers ces pratiques les hépatites B et C, et autres IST trouvent un vecteur idéal de propagation.


Echangisme et consultations en psycho-sexologie


Malgré l’unicité de chaque histoire, j’ai choisi de regrouper quelques situations dans leurs grandes lignes que l’on peut rencontrer dans la pratique de la sexologie clinique, auprès des personnes pratiquant l’échangisme :


Plusieurs années de vie commune plus tard, un homme n’éprouve plus de désir pour sa compagne, et ne sait pas comment lui dire. Par peur de la blesser, et pensant pouvoir contourner cet aveu douloureux, il décide de fréquenter avec elle des lieux libertins. Il finit par tomber amoureux d’une autre femme plus désirable selon ses attentes. Le couple se retrouve alors face à la rupture.


Lors du début d’une relation, la passion amoureuse emporte le couple dans une forme de quête exploratoire, comme deux jeunes enfants partant à la découverte de leurs limites. Une fois enceinte de son époux, la femme s’aperçoit qu’avoir un partenaire échangiste ne peut coïncider avec la représentation qu’elle peut avoir d’un père. Elle fait une fausse couche, se sépare, et entame une psychothérapie se sentant perdue et « souillée » par une pratique si éloignée de ses idéaux et ses valeurs morales d’aujourd’hui.


Une femme pudique, et inhibée sexuellement se découvre le plaisir à travers l’échangisme. Elle refuse de plus en plus d’avoir des rapports « ordinaires » avec son compagnon. Elle souhaiterait des relations plus osées, dans des endroits plus exotiques et provoquant. Son compagnon ne conceptualise pas la sexualité de la même manière, et refuse désormais de l’échanger. Les disputes se font plus fréquentes, et leur vie sexuelle se met à rétrécir comme une peau de chagrin.


Une femme amoureuse de son compagnon, le suit dans une soirée libertine. Elle vit cette expérience comme un choc. Elle est très en colère contre son partenaire et décide d’adopter un comportement punitif en refusant toutes relations sexuelles, et songe à le quitter définitivement.


Il n’existe pour le moment pas d’études sur le devenir des couples échangistes, on pourrait être amené à penser que celui-ci est plutôt négatif si l’on considère que ces couples sont tout aussi sensibles au sentiment de jalousie et se confrontent davantage à l’infidélité que les couples plus « normatifs », qui pourtant divorcent 2 fois sur 3 en France. Cépendant, l’étude de Eward Fernandes dans Psychology Today, montre que les échangistes seraient « très heureux maritalement et possèdent de solides liens affectifs avec leur conjoint ». Les couples échangistes, toujours d’après cette étude, auraient une « unité familiale forte et ne seraient pas à la recherche de liens affectifs supplémentaires majoritairement ». Ces résultats semblent rejoindre ceux de Bergrstand et Williams (2000), qui indiquent que le libertinage dans les couples aurait pour effet de renforcer leur relation conjugale. Si l’on se fie à ces études, la satisfaction conjugale et l’échangisme seraient donc loin d’etre incompatibles pour certains couples !


Mes petits conseils


Si vous cette pratique sexuelle intéresse votre couple, il est primordial de communiquer ses désirs et attentes, et accueillir ceux et celles de son conjoint. Vous trouverez ci-dessous, une petite technique ludique pour étayer votre discours et une mise en mots autour de votre sexualité :
1. Prenez chacun une feuille et notez spontanément les 10 mots qui qualifient selon vous votre sexualité actuelle avec votre partenaire (verbes, adjectifs, positions etc.)
2. Partagez avec votre partenaire vos 10 mots sans jugement, ni reproches. Voyez ce qui se rejoignent et ce qui se ressemblent sur le côté « insatisfaction »
3. Toujours chacun de votre côté, notez sur une autre feuille les 10 mots qui représenteraient pour vous une sexualité que vous aimeriez avoir.
4. Partagez à nouveau avec votre partenaire, à tour de rôle, et sans jugement vos 10 mots. Voyez ceux qui se rejoignent, ceux qui vous éloignent, ceux qui vous excitent, ceux qui dégoutent ou vous gênent etc.

Il est fondamental de fixer des règles. En effet, ces dernières définissent le cadre de la relation à l’intérieur duquel votre lien se développe. Les règles sont des éléments pour lesquels il n’y a pas de négociation. Leur fonction est de créer de la prévisibilité et donc de sécuriser le lien dans votre couple. Souvent on pense à tort qu’il s’agit de bons sens et pourtant, il faut toujours les verbaliser. Pour qu’une ait une valeur, elle doit être explicitée et reconnue par les deux partenaires. Elle ne doit pas viser le bénéfice exclusif de l’un au détriment de l’autre. Elles doivent être simples claires (ex. « Nous nous devons d’etre fidèle l’un envers l’autre, sauf en vacances … » : cette « règle » n’en est pas une car elle est trop floue, et introduit trop d’imprévisibilité). Elles sont là pour vous sécuriser et introduire une prévisibilité nécessaire.

Si vous rencontrez des difficultés encore à communiquer autour de ce sujet, n’hésitez pas à consulter un professionnel qui pourra soutenir vos échanges, et vous aider à explorer d’autres possibilités en fonction des désirs de chacun et du fonctionnement du couple.
 
 
 

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