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Football et violence de supporters : quelques explications psychologiques.

  • Photo du rédacteur: Les pros "Crescendo"
    Les pros "Crescendo"
  • 1 sept. 2020
  • 5 min de lecture


Rares sont les unes de journaux qui, à la suite d’un match, ne relatent pas des gestes de violences commis par des supporters. Il est consternant de constater que les médias ne retiennent que majoritairement des explications naïves pour justifier de ces comportements, dont deux principales semblent se dégager :

- Les auteurs seraient des individus ayant un profil psychopathologique où prédominerait impulsivité, agressivité, et frustrations sociales ;


- Le passage à l’acte serait motivé par une forme de contamination de foule, et par une forme d’anonymat qu’elle préserve.

Et pourtant, n’en déplaise aux détracteurs de ce sport d’équipe, les auteurs de violence ont généralement des profils pour le moins « ordinaires » comme le stipule Reicher (2001).

Cependant, il n’en demeure pas moins que bon nombre de manifestations sportives, en dehors du ballon rond, ne donnent pas lieu à autant de mouvements de violence. Comment expliquer que ce sport déchaine autant les passions ?


Il convient d’analyser cela sous un angle plurifactoriel, dont voici quelques facteurs explicatifs :

Le phénomène d’appartenance

Le football nous évoque d’après Bromberg (1998) de nombreux critères d’appartenance : le pays, la ville, un quartier, une classe sociale, des orientations politiques ou religieuses … Ainsi, on peut dire que l’intérêt d’une personne pour une équipe lui donne la possibilité de s’identifier, de se définir en tant que membre d’un groupe pouvant aller jusqu’à le besoin d’intégrer un groupe de supporters extrémistes. Intriqués dans ce phénomène d’appartenance, on va retrouver un processus de « catégorisation sociale » et la recherche de la satisfaction et du maintien d’une « identité sociale positive ».

Ok, mais de quoi s’agit-il ? Tout d’abord « la catégorisation sociale » est un processus d’organisation de la pensée des informations que l’individu met en place plus ou moins consciemment au sujet de son propre groupe et à d’autres groupes dont similaires. C’est ce qui nous permet de dire qu’il a « nous », et qu’il y a « eux ». C’est une façon de participer à notre construction identitaire. Mais, pour maintenir une « identité sociale positive », il faut pouvoir se comparer favorablement à un autre groupe, c’est-a-dire qu’il faut nourrir le sentiment que son groupe est meilleur que les autres (d’où le sentiment de « déprime » et de dévalorisation qui peuvent envahir un supporter face à la défaite de son équipe favorite).


Ce phénomène peut conduire à adopter une position de rivalité. Dans le cas précis du football, l’appartenance est fondée sur le soutien de son équipe, et la comparaison sociale est orientée sur l’équipe des adversaires. Cependant, dans le cas où une personne se trouve plus fortement engagée dans le soutien de leur équipe, la rivalité dépasse le simple enjeu véhiculé par la rencontre sportive : elle constitue son identité sociale ! Ceci peut être expliqué par des rivalités récurrentes qui apparaissent en fonction d’un sentiment d’engagement socio-économique, religieux, culturel, géographique etc.

Une symbolique du conflit

Peu importe le sport, on retrouve une part non négligeable d’emprunts symboliques à l’art de la guerre. Au-delà des simples élaborations stratégiques, on retrouve également à travers le langage sportif, de nombreuses métaphores guerrières (Brohm, 1993). Ces symboles vont au-delà de la simple situation sportive et de son langage, et se retrouvent aussi chez les supporters dans le port de leurs vêtements aux couleurs de l’équipe, et dans leurs actions (défilés, tambours, fumigènes etc.). Plus le match est important, plus l’ensemble de ce référentiel va s’enrichir par des connotations supplémentaires, telles qu’un rassemblement plus large de supporters qui défilent accompagnés des forces de l’ordre et les CRS, des barrières de sécurité etc. qui viennent rappeler la dangerosité éventuelle de la manifestation.

L’ensemble de ces éléments symboliques, et leur mise en scène dans les stades peuvent indéniablement avoir une répercussion sur le comportement des individus. Mais, après tout il n'y a sans doute rien de plus adapté que de se préparer à l’affrontement lorsque vous êtes dans une situation qui peut s’avérer dangereuse ?


De plus, cette représentation violente a aussi un impact non négligeable sur les forces de l’ordre (qui en somme tous sont aussi humains que les supporters). Ces derniers peuvent alors avoir tendance à adopter des stratégies plus agressives à l’égard de certains groupes (Reicher, 2001).

L’interdépendance négative

Ce mot du jargon de la psychologie sociale, s’applique dans le cas du football, car il s’agit d’un évènement où deux groupes s’affrontent, et dont le sort de l'un dépend de celui de l’autre, avec une victoire qui ne se partage pas. Il y a là un conflit objectif d’intérêt. Les interactions des deux groupes sont matérialisées par les actions du jeu, qui se doivent d’être régulées par les arbitres. Les supporters viennent s’associer à ce conflit, en superposant en plus un conflit qui leur est propre : la démonstration de la suprématie de leur groupe. On assiste donc à un double phénomène d’interdépendance négative, qui se renforce par superposition. Or, on sait depuis les années 1960, que ce type de situation psycho-sociale vient généralement accroitre le sentiment d’hostilité entre les membres de différents groupes.

La cohésion de groupe

Il s’agit de l’ensemble des facteurs et éléments qui empêchent le groupe de se dissoudre. Elle peut se manifester de diverses manières : formes d’attraits pour le groupe, les affinités personnelles entre les différents membres, le style de leadership, le rôle des membres et leur évolution, le degré d’implication etc. Certains facteurs peuvent grandement influencer la cohésion comme le sentiment d’interdépendance pour la poursuite et l’atteinte d’un objectif commun (dans le cas du football : la victoire), les situations de compétitions, et le sentiment de menace qu’éprouvent les membres d’un groupe.


Perçue de la sorte, la situation du match de foot parait comme un candidat idéal à la cohésion de groupe. Or, on sait aussi que cette dernière est étroitement liée à la solidarité. Ceci nous permet d’avancer que la solidarité serait un des éléments qui conduirait certains supporters à s’associer aux violences déclenchées par une simple poignée de membres d’un même groupe. Stott, Hutchinson, et Drury (2001), ont pu étudier le phénomène lors de la coupe du monde de 1998. Leurs résultats ont pu mettre en évidence que la réputation violente des supporters anglais avait conduit les forces de l’ordre à faire preuve d’hostilité à leur égard, avec un accroissement du sentiment de menace. La réaction des forces de l’ordre a conduit à augmenter la cohésion de groupe. Ainsi, des supporters qui étaient pourtant loin de commettre des actes de violences ont fini par s’associer à la violence du groupe.


Pour conclure …


L’organisation sociale du football dans sa pratique et sa mise en scène confère un cocktail explosif grâce à la possibilité de revendication identitaire, et du contexte d’affrontement dans une dynamique d’interdépendance.


Afin d’amoindrir les gestes de violence, il conviendrait de repenser ce contexte au niveaux psychologiques et sociaux, et ce qu’il est capable de véhiculer au niveau de ses représentations … Mais, si tel était le cas, il ne fait aucun doute que nombre de personnes ne seraient plus devant leurs écrans, et les stades se désempliraient rapidement. Car, n’est-ce donc pas l’ensemble de ces aspects qui confèrent aussi à ce sport son succès mondial… ?

 
 
 

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